Nuit du 25 au 26 octobre 2008

Strock 254/1200

Je commence cette nuit par quelques photos d'ambiance du Scorpion avec Vénus

et du Sagittaire avec Jupiter,

mais les possibilités en astrophotographie de mon appareil bridge sont limitées (15s de pose max et images bruitées à 400ISO).

Jeff est là depuis le coucher du soleil vers 20h locale pour préparer son télescope.

C'est le baptême du feu pour le tout nouveau pensionnaire de l'observatoire, le Dobson Lightbridge 300 arrivé début octobre,

dont Daoumy a pris les commandes au crépuscule. Elle n'est pas aux bouts de ses surprises avec ce télescope : les piles du chercheur point rouge sont à plat et le frein d'altitude a été cassé pendant le transport vers le Chili, sans parler du miroir primaire qui s'est baladé dans son barillet et a perdu dans ce chahutage un bout d'aluminure et y a gagné quelques rayures . Bizarrement, la qualité optique semble ne pas en avoir trop été affectée.
Par contre, la perte du frein entraîne de gros soucis d'équilibrage du télescope et empêche de pointer avec précision une zone du ciel cette nuit, et encore plus de changer d'oculaires sans dépointer les objets. Daoumy va donc en cours de nuit pointer des vastes zones fournies en objets (Voie Lactée et nuages de Magellan) cette nuit et s'y balader en tenant le tube. Pas très ergonomique tout ça!

Pour clore le chapitre des soucis de télescopes qui seront résolus le lendemain, le Célestron 8 de Jean-Luc est décollimaté au point qu'il ne voit aucune bande sur Jupiter à un grossissement moyen! Tenter cette opération de nuit avec des vis qui semblent bien bloquées se révèle trop hasardeux et il décide de vivre avec jusqu'à la prochaine aube.
Daniel tente de pallier les soucis de raquette du Célestron 14 en tentant de le faire pointer en automatique via un ordinateur et va y passer sa nuit avant d'abandonner et de pointer avec les freins desserrés à la limite de friction.

De nombreuses étoiles filantes dont quelques bolides animeront cette nuit.

Bon, je discute, mais il faut se dépêcher de regarder la comète Lulin C/2007 N3 qui se trouve dans la tête du Scorpion, laquelle trempe déjà fortement dans les lueurs crépusculaires et va bientôt se coucher à 21h45 locale.
Elle est située dans le proche voisinage (2°) de nu du Scorpion et sa magnitude annoncée est de 10,7. A 109x dans le Strock 254, elle est faible, avec un centre un peu flou et un peu plus brillant sur fond de ciel bleu foncé. Un halo est visible en vision décalée 100% du temps, et une queue soupçonnée de 25% à 50% du temps d'observation. Je la montre aux autres, et c'est la première comète vue dans un télescope pour certains.

Le télescope remonte ensuite d'une dizaine de degrés dans la queue du Scorpion pour pointer l'amas ouvert NGC6322 de magnitude 6,0 à 4° ouest de thêta Scorpion. Il est sympathique à 109x, construit sur un triangle, et ses étoiles sont brillantes à perceptibles. Assez fourni.

Pendant ce temps, la nuit est enfin complète et la Voie Lactée d'été couchante resplendit. Les étoiles se couchent sans aucun signe d'absorption! Une vision irréelle quand on pense à l'humidité du nord de l'Hexagone.

Pour clore le chapitre du Scorpion cette nuit, une nébuleuse obscure, Barnard 263 à 2° ouest de thêta Scorpion. A 75x, elle est étendue, assez sombre, notamment une zone dans la partie sud, mais ses limites sont imprécises, sauf justement vers son bord sud. Un peu galère à dessiner à cause des nombreuses étoiles du champ. La partie la plus sombre semble se détacher en avant-plan du reste, effet que seul un ciel bien pur révèle.

Daoumy a renoncé temporairement à utiliser le 300 pour cette nuit et va papillonner sur les divers instruments avant d'aller repointer des zones fournies comme décrit au-dessus et de pointer aussi aux jumelles. Elle me demandera notamment d'identifier la zone de NGC346 dans le Petit Nuage de Magellan.

Ma cible suivante sera une suggestion de Bertrand Laville que je remercie fortement vu l'intérêt astrophysique de l'objet : les amas globulaires de la galaxie naine du fourneau, PGC10016. La galaxie en elle-même n'est pas un monstre de brillance, car à 75x, en plein coeur de cette dernière à 3° sud-ouest de bêta du Fourneau, le fond de ciel est juste vu plus clair qu'aux alentours. Au chercheur ça semble plus probant?
Les amas globulaires sont plus évidents et même plus brillants que ceux de M31!

Le premier vu est Fornax 4, de magnitude 13,5. A 150x, il est faible, petit, facile, diffus. Je me prends quelques reflets de la lampe verte non éblouissante de Jeff car nous ne somme pas séparés de plus de 4 mètres sur un terrain avec peu de plats et mon dobson sans pare-buée monté. Le mettre maintenant me ferait dépointer la Naine.

Fornax 3 de magnitude 12,6 sera le plus brillant de cette série. A 150x, le centre est assez faible, le pourtour plus discret et très faible. Il est noté très facile mais petit.

Fornax 2 est de magnitude 13,5 et faible, plus diffus mais plus grand que les précédents à 150x.

Enfin, Fornax 5, de magnitude 13,5, est facile, petit à 150x.

Alors que cette constellation est au raz des pâquerettes en France métropolitaine, elle est quasi au zénith ici, ce qui m'oblige à dessiner debout! Après cette observation, je m'octroie donc une pause casse-croûte dans l'observatoire. Il est 1h locale.

Au passage, l'observation du coucher de la Voie Lactée d'été me frappe : j'ai l'impression qu'il y a des nuage noirs qui arrivent entre les horizons sud-ouest et ouest, mais il s'agit en réalité des nuages obscurs de notre propre galaxie, vus ici sans absorption avec un relief saisissant! Incroyable!
De plus, au fur et à mesure que la Voie lactée baisse, la luminosité au sol diminue. Nous ferons des tests concluants d'ombres dues à sa luminosité au cours de notre séjour ici.

La bande zodiacale, extension de la lumière zodiacale dans les constellations du même nom est vue faible à très faible et diffuse dans le Verseau et le Capricorne. Bizarrement, M33 basse n'est pas vue?

Repu, je poursuis l'exploration de la moyenne banlieue voie-lactienne dans le Grand Nuage de Magellan (GNM).
NGC2249 est un amas globulaire de magnitude 12,2 vers nu de la dorade, petit, faible et facile à 150x.

Pas bien loin, l'amas ouvert NGC2241, très faible, elliptique, quelques étoiles à la limite à 150x.

Au passage, une galaxie, PGC18923, située bien loin derrière le GNM. Vue très faible, assez fine, difficile à délimiter à 150x.

Enfin, l'amas globulaire NGC2249 de magnitude 12,2 toujours dans le même secteur. A 150x, il est assez large, diffus, très faible et des étoiles y sont vues en vision décalée.

J'en profite pour me faire un petit tour plaisir à 75x dans cette zone du GNM. Ca grouille partout de pleins d'objets, impressionnant! De quoi passer 15 nuits complètes rien que sur cette galaxie satellite! Pourquoi on n'en a pas une comme ça sous nos cieux boréaux? Superman ne pourrait-il pas faire basculer l'axe de la Terre pour au moins quelques années?

Au passage, dans le champ du télescope, un mini Iridium sur quelques minutes d'arc, durée 5 secondes et flash jaune assez brillant (magnitude 8-9?). Amusant.

Direction suivante : notre Voie Lactée, constellation de la Carène, sûrement l'une des plus belles. Pour la situer, elle est à mi-distance du bas du Grand Chien (vu ici au zénith en fin de nuit) et du pôle céleste sud. Son étoile principale, Canopus, est la seconde plus brillante du ciel.

La galaxie NGC2822 de magnitude 10,7 est l'équivalent austral de NGC404 situé très proche de bêta d'Andromède, car elle luit assez faible, petite, condensée à 150x à quelques encablures (6') de bêta de la Carène, qui est extrêmement brillante, blanc-bleutée, un phare qui gêne et qu'il faut sortir du champ. D'ailleurs, je sacrifie mon oeil gauche pour la pointer afin de ne pas perdre mon adaptation nocturne!

Pendant que je bronzais avec bêta de la Carène qui est proche de la constellation circumpolaire des Poissons Volants (Volans), Jean-Luc et Daoumi sont rentrés dormir. Il est 3h40 locale, il reste moins de 2 heures de nuit totale.

La petite nébuleuse planétaire IC2448 de magnitude 10,4 ne fait que 8" et se situe à 1° sud-ouest de bêta de la Carène. A 75x elle est minuscule, verdâtre.
A 343x, elle est petite, assez faible, une structure annulaire large est vue par intermittence, ainsi que la centrale de magnitude 14,1 (très faible à perceptible), avec des images très stables (seeing de 1 à 2 sur l'échelle Ciel Extrême). Elle répond fortement au filtre OIII.

La fatigue commence à se faire sentir.
Je résiste pour regarder le bel amas globulaire NGC2808 de magnitude 6,1 dans la Carène toujours, mais à 1,5° au nord-est de alpha des Poissons Volants.
A 218x il est bleu et se fond progressivement dans le ciel. Chouette, de nombreuses étoiles (magnitude 13,8 et +) du pourtour sont résolues, fines et très faibles à perceptibles. Jeff et Daniel remballent après avoir admiré le lever d'Oméga du Centaure dans la lumière zodiacale du matin et l'avoir pointé au C14. Jeff redescend.

Je finis la nuit dans l'aube sur 2 galaxies de la Carène pas loin de bêta.
NGC2836 est de magnitude 11,8. Elle est très faible, bien allongée, étonnamment faible d'ailleurs pour sa magnitude car diffuse.

NGC2788B de magnitude 13,7 est vue à 150x en vision indirecte VI2 à 3 (50 à 25% du temps d'observation), petite, ronde. L'aube est bien là à 5h50 locale.

Je m'attarde pour quelques photos de la Croix du Sud et alpha et bêta du Centaure

ainsi que du croissant lunaire matinal.

Fatigué, je range avec mes dernières forces le télescope et les divers ustensiles avant de descendre avec Daniel la colline vers un repos bien mérité.