Nuit du 26 au 27 octobre 2008

Strock 254/1200

Cette nuit la turbulence sera un souvenir avec un seeing de 1 à 2 sur l'échelle Ciel Extrême même avec un grossissement de 343x!
Je serai scotché à mon télescope et ne noterai que peu d'objets regardés dans les autres tubes!

Jeff m'alerte au crépuscule sur la présence de la Grande Tache Rouge (GTR) de Jupiter. Comme ça fait longtemps que je ne l'ai pas vue, j'oriente donc mon rouge Dobson vers le jaune géant jovien.
Et effectivement, pas de doutes, la GTR est bien là, mais elle apparaît blanche! La turbulence oscille entre 3 et 4 à 60° de hauteur mais dans les turbulences classiques du crépuscule, vestiges du combat entre le jour et la nuit.

A 343x, il y a 4 bandes vues plus les 2 zones polaires bordées par 2 de ces bandes.
La bande tropicale sud où se situe la GTR qui va bientôt se coucher comporte aussi quelques autres taches blanches assez allongées.
L'autre bande tropicale est reliée par quelques panaches à une bande plus fine en zone tempérée qui borde le sud de la zone polaire nord.
Les satellites montrent des diamètres apparents bien distincts.
Ce sont mes premières images sympas sur Jupiter depuis longtemps, car depuis chez nous, elle traîne langoureusement depuis plusieurs années dans les basses couches agitées de l'atmosphère.
Pour ne pas griller mon adaptation nocturne, j'ai fait exclusivement travailler mon oeil gauche pendant le dessin.

Après cet égarement planétaire initié par un Jeff qui affirme ne jamais regarder les planètes, il est temps d'explorer toute la richesse d'un tel ciel profond avec une magnitude limite qui pète les standards (>7.5)!

Je commence par le faux oiseau Ara (nom latin) qui est en réalité l'Autel mais a une forme de chaise! Un peu polymorphe, cette constellation, je vous l'accorde!

L'Autel est situé sous la queue du Scorpion en pleine Voie Lactée d'été et se couche assez tôt en cette période. Il ne faut donc pas traîner!
Je pars de Epsilon Ara et glisse à 1,5° sud-ouest pour tomber sur NGC6208, un amas ouvert de magnitude 7,2. Il me montre à 109x au dobson de 254mm de nombreuses étoiles très fines, beaucoup étant faibles à perceptibles. L'ensemble est dur à dessiner, et il ne se détache pas beaucoup de son environnement.

L'Autel étant une constellation assez petite, je passe rapidement à 1,5° au sud ouest de khi Ara pour pointer NGC6326. Cette nébuleuse planétaire de magnitude 11,0 pour seulement 14" de grand-axe est vue ovale assez faible à 343x. Une structure annulaire peu contrastée est soupçonnée.
Avec le filtre Oxygène 3, elle est confirmée. Cet objet répond d'ailleurs fort bien à ce filtre. Aucune étoile centrale n'a été vue.

Pendant ce temps, il y a des bruits de moteur de Formule 1 dans la coupole, c'est juste le Célestron 14 piloté par Daniel qui roule vers les étoiles!

Dernier objet dans l'Autel pour cette nuit, NGC6352 est un amas globulaire de magnitude 8.1 blotti à 1,5° nord-ouest de alpha Ara.
Il est assez faible et diffus à 109x. Une partie de ses étoiles de magnitude minimum 13.1 est perçue à ce grossissement. Elles sont nombreuses, serrées et perceptibles à 218x.

Je vois au chercheur Fornax Dwarf (galaxie naine du fourneau, PGC10016) dont j'avais observé les amas globulaires la veille, mais la position de visée est inconfortable au zénith, surtout pour un dessin, donc je la retenterai une autre nuit quand elle sera plus basse. Je pourrais aussi la regarder à la fin de cette nuit, mais je réserverai la priorité à des constellations qui se lèvent alors et jamais explorées comme les Voiles.

Après un faux oiseau, en voici un vrai, la Grue, dont la constellation en forme de grand lambda au sud du Poisson Austral est un jalon du ciel austral.

Le nid de cet oiseau céleste est rempli de galaxies. Je pointe un groupe vers nu Grus.

La première de ma liste est NGC7456 de magnitude 11.6 à 1° au sud ouest de nu Grus. A 109x, faible à très faible et allongée, elle montre un centre un peu plus marqué.

Des voix me parviennent de l'observatoire. Daniel, Daoumi et Jean-Luc sont en pleine discussion philosophique dont j'ai oublié le sujet, mais c'est la vue de NGC104 qui l'a provoquée.
Il s'en suit une étude comparative de ce gros globulaire 47 du Toucan entre le Célestron 14 et le 300 de Guy. Je dois avouer que l'image est plus belle dans le C14.

Je poursuis mes pérégrinations extragalactiques dans la Grue.
NGC7410 est une galaxie de magnitude 10.5 voisine de la précédente, mais bien plus brillante, assez en tous cas pour montrer une coloration bleutée à 75x.
A 150x, elle est allongée, le centre est faible, ponctuel avec une petite étoile à côté et un premier halo rond autour. Les extensions sont très faibles à perceptibles.

La fatigue arrive, le fameux cycle d'1h du matin, mais je résiste et passe à NGC7404 galaxie de magnitude 12.6.
Elle est faible et petite à 150x, ovale à centre flou plus brillant.

Ma prochaine cible est IC1459, une galaxie de mg 10.0. Sauf qu'à l'oculaire à 109x, elle est accompagnée de l'inattendue galaxie IC5264.
La première est assez grosse, plutôt faible, diffuse à centre ponctuel. L'invitée est fine et très faible. Que j'aime ces couples de galaxies!

NGC7418 est à 109x une galaxie de magnitude 11.0 diffuse, faible à très faible, avec une brillance de surface faible qui complique son observation.

NGC7421 en est presque une réplique à la magnitude 11.9, très faible à 109x, avec un faible éclat de surface et diffuse elle aussi. N'aurais-je pas repointé le même objet? Non, le champ d'étoiles est différent!

Ensuite, NGC7418A galaxie de magnitude 13.2. Décidément ce coin vers nu de la Grue grouille de petites taches floues!
Elle ne montre que son centre arrondi à 109x au vu de la taille sur le papier comparée à la vision dans l'oculaire.

Elle fait partie d'une chaîne de galaxies dans laquelle je me fourvois pour en dessiner quelques autres pas prévues, IC5269A, IC5269B, IC5270 et IC5269.
Comme en Namibie, la qualité du ciel transcende la vision de ces invitées de dernière minute.

IC5269A est perceptible 50 à 75% du temps en vision décalée, diffuse, assez petite à 109x, à 10' d'une étoile jaune.

IC5269B est une bonne surprise, allongée à 109x, très faible et limite en vision directe. Elle est diaphane à faible brillance de surface.

Le reste des troupes se restaure dans l'observatoire en parlant d'histoire des sciences. Je finis ce groupe de galaxies avant de les rejoindre, à savoir IC5270 et IC5269. Elles sont à 10' l'une de l'autre donc dans le même champ à 109x, faciles mais faibles.
IC5270 est très faible, bien allongée à centre plus brillant, et IC5269 est faible, un peu ovalisée et petite. Un couple inconnu mais sympathique.

Il est temps d'aller prendre un bon thé chaud et manger quelques amandes et tranches de fromage de chèvre pour tenir jusqu'au bout de la nuit!
L'occasion de sortir quelques blagues de Coluche avec Daniel sous le spectacle de la Voie Lactée d'hiver qui est déjà bien levée.
Je l'estime brillante, et Jeff et moi constatant la présence indiscutable d'une ombre voie-lactienne sur le fond blanc de nos cartes avec peut-être la contribution des phares Canopus et Sirius?

Cette Voie Lactée m'appelle, et je la rejoins dans la constellation des Voiles, située entre la Carène et la Poupe sud. Pour la trouver, je pars de la Fausse Croix de la Carène et remonte la Voie Lactée vers le Nord. Ces constellations qui baignent dans la Voie Lactée se lèvent toutes quasi en même temps ici.
Premières observations des Voiles, cette zone du ciel avec la Poupe Sud et la Carène est un joyeux fouilli!

Pour commencer, un bel amas globulaire de magnitude 6.7, NGC3201 à 4° nord-ouest de t des Voiles(Vela en latin) avec des étoiles de magnitude minimum 11.7.
A 75x et 150x, il est bleu, un vrai poudroiement d'étoiles très faibles à perceptibles. Le fond est très faible et irrégulier en luminosité. Superbe, l'une des stars du catalogue Bennett!

Je ne me lasse pas des galaxies cette nuit puisque j'en pointe 2 à 6° Nord de t des Voiles, NGC3256 de magnitude 10.8 et NGC3256C de magnitude 12.7.
NGC3256 à 109x est ronde, faible à centre assez net plus brillant et pourtour diffus à limites imprécises.

NGC3256C est pâle, ovale, vue 75% du temps en vision indirecte, sans limites précises.

J'entends des ronflements dans l'observatoire, visiblement Daniel qui se repose un peu afin de voir les constellations de fin de nuit. Il ne faut pas qu'il tarde trop car il est 5h et l'aube va arriver dans 30 minutes. Jean-Luc a fait de même ainsi que Jeff pendant une demi-heure à une heure. Un vrai dortoir!

Je finis la nuit sur une des stars des Voiles, Eight Burst Nebula ou NGC3132, une nébuleuse planétaire de magnitude 9.7 et de grand-axe 30", avec une étoile centrale de magnitude 10.1. Elle se tapit à 2° nord-ouest de q des Voiles. A 343x, bleutée, elle a une forme très bizarre inscrite dans un ovale, une forme en clé de "FA". La nébuleuse est faible, la centrale assez brillante. Le bord nord-ouest est flou. L'aube est arrivée accompagnée des chants d'oiseaux et diminue le contraste. Pressé par le retour du jour, je n'ai pas le temps de la filtrer en OIII.

En relevant le nez du télescope, je constate que le fond de ciel est devenu bleu. Daniel s'est levé et se remue dans l'observatoire.

Saturne est au nord-est dans le Lion vers béta, bien sûr à l'envers.

Je ne résiste pas à l'envie de la pointer et à 343x, les anneaux sont très refermés, bientôt de profil avec de part et d'autre Titan et Rhéa. Superbe malgré une recrudescence de la turbulence.

Daniel et moi prenons quelques photos au flash du site avant de redescendre. Tout le monde a tenu la nuit!